Par où que ça a commencé – 1
Ça fait un moment que je réfléchis à écrire un blog. La création d'une entreprise est une aventure longue et tortueuse, remplie de défis, grands ou très petits... En plus en solo pendant quelques années, et avec un enfant un bas âge, autant dire que c'était parfois éreintant.
Je me suis souvent dit que partager cela pourrait aider ceux qui veulent se lancer, et peut-être me soulager un peu par l’écriture de cette charge mentale parfois écrasante.
Pour moi, le but a toujours été assez clair, je veux réparer des habits techniques, prendre soin de ce matériel particulier qui me rend de si grands services lorsque je suis dehors. J'y ai pensé dès la première réparation de ma veste Mammut Pro Shell, achetée à Schaefer Sports à Lausanne, j'avais environ 20 ans. L'argent collecté à mon anniversaire n'avait pas suffi à la payer...
C'est une déchirure sur la manche une nuit de sortie lausannoise qui déclencha un petit changement. Ma première réparation d'habit technique : du fil, une aiguille, on ne sert pas trop. On met du Seam Grip. Quasiment invisible. Solide et imperméable, Magique.
Cette veste n'a plus connu le monde de la nuit, et 20 ans plus tard elle est toujours de service, je vais y changer la fermeture éclair cette semaine d'ailleurs.
C'est n'est que 15 ans plus tard que je lançais la boite.
Depuis que je suis petit, la couture fait partie de mon univers : d'abord à l'école, moment délicieux de créativité et de fun, puis plus tard grâce à ma rencontre avec ma compagne qui m'a fait renouer avec la machine.e. Elle m'a aussi initié à la haute montagne et le camping en altitude, étant elle-même une enfant du club alpin. Le matériel technique prenait de l'envergure dans mon monde, et les casses aussi. Mais j'avais mon fil et mon Seam Grip. Aucuns soucis !
Devant notre enthousiasme à la machine, la mère de ma compagne nous a offert une machine à coudre - Bernina B535 - présente dans l’atelier
actuellement. Une machine tout électronique et multifonctions. Les réparations
ont pris leur envol, parfois pour des potes, parfois pour nos fameux
porte-monnaie stylés Tetra Pak, offerts à droite ou gauche. 1 heure à deux
pour un faire un à l'époque. 5 minutes maintenant... ça me fait toujours une drôle d'impression de fierté lorsqu'un ami en sort un de sa poche. Rafistolé mais encore vaillant !
Pourquoi ça a pris autant de temps pour se lancer et créer l'entreprise ? Mais car ça a pris beaucoup de temps pour comprendre qui je suis, ce que je veux, pourquoi je fais les choses et ce qui me motive. A 18 ans, c'est un jeune homme totalement perdu qui s'est inscrit à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne... Et qui a détesté ça, finissant bon gré mal gré mon bachelor en Sciences de la vie en 5 ans et avec un double échec en prime (éliminatoire normalement, mais je devais leur être sympathique...). Je ne m’étais pas fait beaucoup d'amis à l'EPFL et je passais beaucoup de temps avec mes potes de l’Université de Lausanne en Lettres ou Science Po. J'étais au bar de Zelig et surtout à la bibliothèque - la Banane - à les écouter parler de Zola et à refaire le monde. Pendant ce temps, je noircissais des pages et des pages d'équations différentielles et de séries (on ne se rend pas compte...) et beaucoup plus d'heures de travail que eux, pour obtenir des notes médiocres au final.
Ce qui est bien quand on rate des années à l'université, ce que l'année suivante on a beaucoup de temps ! Pour faire d'autres choses ! Hooo oui ! La vie prenait enfin du sens. Je me suis inscrit au Cully Jazz Festival, Poubelle boys depuis ce jour dans une immersion totale de Chasselas et de musique. J'ai voyagé pour la première fois, à deux et seul. Le trip absolu, faire du stop, avoir confiance en la vie et le monde. Et l'appel de la route qui revenait chaque retour de printemps avec l’annonce des grandes vacances.
J’ai ainsi découvert le plaisir ultime : se poser à la sortie d'un village et mettre son pouce en l'air, le sourire aux lèvres, pendant des heures !