Money Money - 1

Depuis la création de l'entreprise, je suis obnubilé par l'argent. Argent, argent, argent !! C'est absolument fou comme l'argent a pris une place prépondérante dans ma vie, et j'espère sincèrement que cela va se calmer.

Au début de cette aventure j'étais encore coursier à mi-temps. On a passé beaucoup de temps à installer un atelier avec d'autres potes, j'ai appris à travailler avec du bois, casser des murs, construire des cloisons, l'argent n'avait pas de valeur, le temps était infini... Puis j'ai baissé mon temps de travail comme coursier petit à petit pour me lancer pleinement. Et là, ce n'est plus la même chose.

Les investissements en outils, matériels et stocks sont très lourds. J'ai de la chance et un soutien familial qui a couvert cette installation, je n'ai pas eu besoin de prendre de prêt. J'ai pu naviguer grâce à cet apport pendant 2 ans, tout en sachant que ça devait se terminer et pour finir voler de mes propres ailes.

Pour moi l'argent est très lié à ma confiance, étant autodidacte, je n'osais pas facturé correctement au début, je faisais des erreurs et je travaillais pour mes potes. Petit à petit j'ai appris et la confiance a grandi, je suis devenu plus efficace, plus professionnel. J'ai aussi mes charges qui ont augmenté : un plus grand atelier, chauffé ! Une première employée, puis une deuxième. L'argent entre et file, il ne reste rien pour moi... Mais je peux payer les factures, c'est déjà ça ! Ma mentalité a aussi dû changer, au début je me permettais d'acheter les outils dont j'avais besoin, de tester du matériel en achetant plusieurs solutions pour un problème, maintenant je n'en ai plus les moyens.. Si je fais de la recherche et développement, je ne pourrais pas me payer. Alors heureusement cela n'est plus autant nécessaire, la grosse période de recherche et développement est derrière moi et j'ai tous les outils. Actuellement c'est plutôt des ajustements, des petits tests, de l'amélioration.

Mais depuis déjà quelques années je ne parle que d'argent, à ma famille, mes voisins d'atelier, mes employés... Argent ! Argent ! Argent !

Est arrivé le moment où mon compte a touché le zéro. Plus de fond... Il est grand temps de s'envoler !

Je me suis mis une pression de dément, je devais gagner de l'argent sinon je ne pourrais pas mettre ma part dans notre accord familial. Cette entreprise qui déjà chevauche largement sur ma vie privé risquait de toucher un point sensible.

Alors ça a passé, j'ai pu me payer. Mais je suis mal, j'ai des symptômes de burn-out, mais soulagé. Je peux le faire. C'était le mois passé, maintenant au mois suivant, et suivant !

Est aussi venu aussi la réalité de l'entreprenariat en Suisse. Oui on facture 100 Frs de l'heure, car sinon... On tourne pas ! Oui on doit refuser des jobs trop compliqués, car il faut facturer, facturer, facturer ! Alors je m'arrange avec moi-même et nous avons un train de vie modeste dans la famille. Mes employés, fournisseurs, propriétaires eux ne se posent pas la question. L'argent doit venir, et moi je dois m'adapter.

Mais j'ai pas envie ! J'aime réparer de vieux vélos, j'aime remettre en état ce que tout le monde dit qu'on doit balancer. Tout ça n'a aucun sens et je refuse d'y participer. Mon atelier, c'est chez moi, et chez moi on répare ce qui est réparable.

Alors je dois m'arranger avec moi-même et mes proches. On aura moins, on vivra bien. Et pour la retraite ? Haha, ben on verra en tant voulu...

Encore maintenant, je suis largement soutenu par ma compagne qui paye 2/3 de nos charges, heureusement elle a un bon revenu, c'est une chance. On en profite.

On est les deux indépendants, on prends 8 semaines de vacances par années. Sincèrement, avec la pression que l'on se met, je vois pas trop comment faire sans. On y gagne en moment familial et avec nos amis, on y gagne en vie, en découverte et en arrêtant de penser tout le temps à l'entreprise.

Bon et le futur ? Et bien j'espère arriver à stabiliser l'entreprise dans 1 ou 2 ans, j'ai pour moi atteint la taille idéale avec 2 employées à temps partielles. J'aimerais pouvoir me libérer une journée entière pour moi, ajusté les heures d'ouverture pour mieux couvrir les fins de semaine. Et stabiliser l'entrée d'argent pour y penser moins. Ça prend du temps, les choses se mettent en place, les clients viennent, on s'améliore. Ça va le faire.

Parce que j'aimerais vraiment y penser moins.